MOUVEMENTS DES PHOSPHÈNES
ÉTRANGETÉ DES MOUVEMENTS DES PHOSPHÈNES
PRÉCISIONS SUR LES MOUVEMENTS DES PHOSPHÈNES PAR GLISSEMENT
Nous avons vu que les phosphènes présentent des mouvements qui ne peuvent s’expliquer seulement par les réactions chimiques sur la rétine, lesquelles sont classiquement considérées comme étant à l’origine de ces lumières subjectives.
Nous rappelons, par exemple qu’au cours des premières séances de Mixage, le phosphène présente assez souvent des mouvements de glissement, en général obliquement, vers le haut ou vers le bas, même le regard restant fixe, ce qui amène ensuite l’observateur à suivre le mouvement du phosphène par un mouvement des yeux, puis le raccrochant en quelque sorte, à le ramener vers le centre du champ visuel, les yeux restant alors au repos.
Nous avons dit que ces glissements des phosphènes, gênants au cours des premières séances de Mixage, disparaissent avec très peu d’entraînement, à condition que l’on ne suive pas le phosphène des yeux car alors, une fois de côté, il s’éteint subitement puis se reforme à la bonne place.
1/ L’expérience du phosphène projeté sur le livre :
Nous nous souvenons de l’expérience qui consiste à projeter le phosphène sur un livre posé sur une table devant soi, les yeux bandés. Le phosphène, donc, donne l’impression d’être sur le livre. Mais si alors on touche chaque bord du livre avec la main du même côté, il semble souvent que le phosphène soit hors des mains, au lieu d’être entre elles. Il y a donc une contradiction entre les impressions spatiales fournies par les sensations cénesthésiques et visuelles en obscurité.
Il est curieux de remarquer que chez le même sujet, le phosphène a toujours tendance à glisser du même côté. On peut penser qu’un léger degré de déficience d’un des six canaux semi-circulaires (trois de chaque côté) est à l’origine de cela car chez une personne sourde à la suite d’une otite grave, dont on peut donc supposer une déficience de l’organe de l’équilibre de ce côté, le phosphène paraissait toujours glisser du côté sain, c’est à-dire le plus vigoureux des deux. Chez un autre sujet qui avait une irritation de l’oreille, par suite d’irradiation de douleurs dentaires, au contraire, c’est du côté malade, c’est-à-dire ici surexcité par la douleur, que le phosphène paraissait entraîné.
Le phosphène étant un phénomène de conscience cénesthésique, c’est-à-dire traduisant une activité interne à l’organisme, il apparaît donc, dans ces deux observations, comme spécialement lié aux organes de la cénesthésie (la douleur est une sensation cénesthésique, ainsi que les renseignements fournis par l’oreille interne, partie équilibre).
Naturellement, quand il y a une cause organique au glissement du phosphène, on obtiendra plus difficilement la correction de cette anomalie.
Un de nos sujets affirmait que le phosphène était d’habitude devant lui mais paraissait tomber lorsqu’il avait des idées tristes, au contraire s’élever lorsqu’il priait. Nous n’avons pas tenter de vérification de ceci chez d’autres sujets.
Pourtant, il semble qu’en moyenne, les personnes à tendance dépressive ont plus fréquemment le phosphène qui glisse vers le bas.
Ce cas amène à poser la question : dans quelle mesure, la pensée est-elle une sorte de “ super-cénesthésie ” ?
2/ Un cas qui montre bien que le phosphène et la douleur font partie des sensations cénesthésiques et à cause de cela, sont intimement liés :
Ce que nous avons dit immédiatement ci-dessus, à propos de l’otalgie (douleur dans l’oreille), nous prépare à mieux comprendre le cas que voici.
Il faut considérer de plus en plus que les phosphènes font partie des sensations cénesthésiques (puisqu’ils viennent de l’intérieur de l’œil et non du champ visuel externe). En effet, on peut alors supposer que certains centres qui contrôlent ces mouvements sont dans les régions du système nerveux central où sont groupés d’autres centres en relation avec les sensations cénesthésiques. Ce qui se passe alors dans l’ensemble de cette région du système nerveux, par la diffusion de l’activité d’un de ces centres, se répercute rapidement sur le phosphène, lui donnant cette indépendance, au premier abord surprenante, envers le champ visuel.
Un cas survenu à Marseille, il y a une dizaine d’années, fera mieux comprendre ce que nous voulons dire : un sujet très habitué à l’alternance des phosphènes doubles descend dans sa cave et néglige d’allumer. Il se donne un coup sur un genou, assez violent. Le phosphène dont il avait l’habitude pour ce genre d’expérience, c’est-à-dire rectiligne et oblique de 45° sur l’horizontale, apparaît du côté du coup. La douleur est une variété de sensations cénesthésiques. Le centre de perception du phosphène est dans la même région du système nerveux parce qu’il faut, nous l’avons vu, classer le phosphène dans les sensations cénesthésiques et non les sensations visuelles. Donc, la diffusion de l’excitation par la douleur au centre proche du phosphène n’est pas étonnante.
De même s’explique la très facile diffusion aux phosphènes des sensations venant des canaux semi-circulaires de l’oreille interne que nous étudierons à propos de leur association avec les balancements de tête.
L’étude de l’action des mouvements de tête sur les mouvements des phosphènes va fortifier l’hypothèse du phosphène considéré comme un des éléments des sensations cénesthésiques, donc intimement lié à elles, avec une prépondérance d’influence des canaux semi-circulaires.
3/ Les mouvements totalement inconscients des yeux :
Il arrive que si l’on a les yeux entrouverts dans une obscurité assez bonne mais pas parfaite, on a l’impression qu’une étincelle très réelle se déplace en travers du phosphène, puis au-delà, alors que le phosphène et les yeux paraissent parfaitement immobiles.
Vérification faite, cette étincelle était un reflet d’un rayon de lumière par la jointure d’une porte, par exemple, sur un objet métallique. Du moment que ce reflet, évidemment immobile, paraissait se déplacer assez vite, c’est que les yeux bougeaient. Or, on ne le ressentait pas et le phosphène, toujours à la même place par rapport à l’axe du globe, ne pouvait alors donner une impression autre que d’immobilité.
Ainsi, parfois, et comme nous en verrons des exemples encore plus frappants, le phosphène paraît bouger alors que les yeux restent immobiles. Dans d’autres cas, c’est l’inverse : les yeux bougent à notre insu et le phosphène paraît immobile. C’est dire toute la complexité de l’étude des mouvements relatifs des phosphènes et des yeux.
ANALOGIE DE CERTAINS DÉPLACEMENTS DES PHOSPHÈNES AVEC CEUX DES SUPPORTS DES CHARGES ÉLECTROSTATIQUES
Par définition, une charge électrostatique ne peut se déplacer par rapport à son support mais elle peut parfois lui imposer des mouvements.
Dans “ L’Exploration du cerveau par les oscillations des phosphènes doubles ”, nous avons décrit une expérience qu’il nous faut résumer ici, car elle est indispensable à connaître de tous ceux qui désireraient aller plus loin dans les recherches physiologiques au sujet des phosphènes. En effet, le phénomène que nous allons exposer permet de se demander si chaque phosphène isolé ne possède pas une charge électrostatique qui, dans certains cas, pourrait très bien être de signe opposé à celui d’un phosphène voisin.
Voici cette expérience :
Si l’on fait deux phosphènes superposés avec des lampes de même intensité, mais l’une entourée d’un réflecteur et l’autre nue, et en regardant entre les deux lampes, les deux phosphènes consécutifs seront d’égale imprégnation lumineuse mais l’un large, l’autre petit. Ce dernier paraît se rapprocher du gros, puis il y a un échange entre eux, en éclair ou en coulée de lave, allant du petit au gros. Ensuite, ils paraissent se repousser. Tout se passe comme pour deux balles de sureau qui, au départ, seraient chargées d’électricité de signes contraires, puis après contact, se repousseraient, leurs charges étant devenues de même signe (Ceci est possible si au départ, les charges positives et négatives étaient inégales, de telle sorte que le mélange des deux n’annule pas le total mais rende les deux balles du signe de celle qui avait la plus forte charge).
Tout se passe donc ici comme si le phosphène était “ un objet ” non conducteur par lui-même, puisque susceptible de prendre une charge électrostatique qui n’est pas toujours la même.
Voici maintenant d’autres expériences de plus en plus curieuses.
INFLUENCE DES MOUVEMENTS DES YEUX SUR LES MOUVEMENTS DES PHOSPHÈNES
L’influence des mouvements des yeux, comme ceux de la tête, sur les phosphènes fait partie des phénomènes phosphéniques les plus difficiles à expliquer. Ni les professeurs en Sorbonne dont nous avons demandé l’avis, ni des biologistes qui sont venus nous voir à ce sujet n’ont pu en donner la moindre explication. Mais tous sont d’accord qu’avant nos publications, principalement “ L’Exploration du cerveau par les oscillations des phosphènes doubles ”, d’autres antérieures également, rien n’avait été publié sur le sujet dont j’avais déjà signalé l’essentiel dans mes publications de 1960.
Différences des mouvements du phosphène suivant la vitesse de balancement des yeux :
Tout d’abord, s’exercer à balancer le regard de droite à gauche, sur un rythme d’environ deux secondes, bien pendulaire; puis, à balancer au contraire le regard le plus rapidement possible, toujours de droite à gauche et sans bouger la tête. Surtout, ce mouvement rapide, mais seulement oculaire, demande un petit entraînement pour être réussi.
Dès que l’on saura faire ces mouvements facilement, les recommencer avec un phosphène.
On observera que pour le rythme pendulaire de deux secondes, le phosphène est entraîné par le mouvement des yeux, restant sur l’axe des globes oculaires, donc allant alternativement à droite et à gauche du milieu du champ visuel qui est sur le plan vertical médian antéro-postérieur (c’est-à-dire passant par l’arête nasale et la bosse occipitale) de la tête et du corps.
Par contre, pour un mouvement très rapide, le phosphène paraît rester fixe par rapport au plan vertical médian ou, pour nous exprimer plus simplement : pour un rythme de deux secondes dont la variation de vitesse est celle d’un balancier, le phosphène paraît se déplacer avec les yeux, tandis que pour un mouvement des yeux très rapide, il paraît rester fixe devant le milieu du front. Pour un mouvement de vitesse intermédiaire, le phosphène se déplace mais avec un mouvement moins ample que pour celui de deux secondes, le passage de l’immobilité du phosphène au mouvement le plus ample se faisant progressivement, au fur et à mesure que l’on ralentit le mouvement.
De même, pour un mouvement plus lent que deux secondes, l’entraînement est moindre et il intervient des saccades par lesquelles le phosphène paraît se raccrocher au mouvement, donnant l’impression qu’une nouvelle cause, comparable à celle que nous avons vue à propos de la projection du phosphène sur un livre, vient se rajouter à celle qui rend les mouvements des phosphènes fonction de la vitesse du mouvement des yeux.
On retrouve exactement les mêmes observations dans l’étude des déplacements des phosphènes, au cours des mouvements des yeux dans le sens vertical.
Les résultats sont les mêmes, bien qu’un peu moins frappants si on pratique l’expérience dans la pénombre, les yeux ouverts, devant un fond qui permet de repérer les déplacements du phosphène. On remarque alors que, même lorsque le phosphène se déplace au maximum, il se déplace un peu moins que l’axe de l’œil.
LENTEUR DES RÉACTIONS PHOSPHÉNIQUES
LA LENTEUR DES RÉACTIONS PHOSPHÉNIQUES, UNE DES CAUSES DE L’ÉTRANGETÉ DES MOUVEMENTS DU PHOSPHÈNE.
Nous disons que lorsque le mouvement de tête est rapide, le phosphène reste immobile, même si ce mouvement est ample. Mais par rapport à quoi, puisque nous venons de voir que ce n’est pas par rapport au centre de gravité du corps ?
1/ Phosphène médian déplacé à 45° :
Ceci est très facile à mettre en évidence : penchons latéralement la tête le plus possible, c’est-à-dire presque à l’horizontale. Après quelques instants, le phosphène se met en face de la tête, donc sur le côté. Balançons alors celle-ci très rapidement, non plus d’une épaule à l’autre mais d’une épaule à la verticale (ce n’est pas très agréable mais c’est faisable). On s’aperçoit que le phosphène reste fixe PAR RAPPORT À LA POSITION MOYENNE DE LA TÊTE, C’EST-À-DIRE À ENVIRON QUARANTE-CINQ DEGRÉS AU-DESSUS DE L’HORIZONTALE PASSANT PAR LES ÉPAULES, donc à mi-chemin du quart de cercle allant du sommet de la tête en position verticale et de l’épaule ; autrement dit, la droite allant du phosphène à la base du cou est la bissectrice de l’angle de 90° formé par l’horizontale des épaules et la verticale du corps.
2/ Stabilisation seulement progressive du phosphène :
Autre expérience apparentée à celle-ci : si l’on penche comme précédemment la tête, qu’on la laisse suffisamment longtemps sur l’épaule pour que le phosphène vienne se poser en face d’elle, puis que l’on envoie brusquement la tête sur l’autre épaule, au premier mouvement, le phosphène suit ; il ne se stabilise sur l’axe vertical du corps qu’après quelques mouvements semblables.
Ce fait est compatible avec l’explication par la viscosité de l’endolymphe de l’oreille, de l’étrangeté de certains mouvements du phosphène : ce liquide étant très visqueux, donc collant, il faudrait plusieurs mouvements brusques pour le décoller de la paroi.
Mais il y a pourtant une autre explication possible à ces deux dernières expériences.
Cette nouvelle explication que nous allons exposer n’est d’ailleurs pas incompatible avec celle par la viscosité des humeurs de l’œil et de l’oreille. Il est même possible que la première ait été la cause de la seconde.
3/ Preuve de cette lenteur de réaction du phosphène par l’influence de l’éclairage d’un œil sur le phosphène dans l’autre œil :
En effet, tout se passe comme si le système nerveux ne transmettait pas aussi vite les informations relatives aux déplacements des phosphènes, que celles relatives aux autres sensations cénesthésiques renseignant sur la position de la tête.
Or, cette hypothèse n’est pas invraisemblable. Rappelons qu’il existe de nombreuses expériences prouvant la lenteur des réactions phosphéniques (cf. “ L’Exploration du cerveau par les oscillations des phosphènes doubles ”) et entre autres, celle-ci : formons un phosphène dans un seul œil (en plaçant la main devant l’autre œil pendant la fixation de la lampe). Pendant l’obscurité, changeons la main de place, en la mettant devant l’œil où est le phosphène ; gardons les paupières des deux yeux fermées (il n ‘y a donc pas de main devant l’œil qui n’a pas de phosphène), puis éclairons brièvement. Donc, un peu de lumière va passer à travers les paupières, dans l’œil qui n’a pas de phosphène.
Or, deux secondes après le bref éclairage, le phosphène, dans l’autre œil, disparaît pour revenir environ huit secondes plus tard.
Cette expérience peut facilement être vérifiée dans un train avec le soleil sur le côté et des arbres espacés sur le talus, à une distance suffisante : c’est deux secondes après le passage de chaque arbre que le phosphène, dans l’autre œil, caché par la main, s’éteint pour se rallumer huit secondes plus tard.
Si nous transposons ces chiffres à la vitesse d’information des déplacements du phosphène, nous comprenons que dans le mouvement rapide de la tête, le phosphène ne réussisse pas à rattraper les autres sensations cénesthésiques, dont la rapidité de transmission est de l’ordre du dixième de seconde.
Laquelle de cette cause ou de la viscosité des humeurs intéressées joue le plus grand rôle dans les étrangetés des mouvements des phosphènes ? On ne saurait actuellement le préciser.
Mais comme les réactions de viscosité sont lentes, ne serait-ce pas cette lenteur qui a imprégné le système nerveux en rapport, y engendrant des réflexes lents, même lorsque ces humeurs ne sont plus en cause, par suite de leur immobilité ?
4/ Phénomènes chimiques comparables :
Quoi qu’il en soit, il est très intéressant de rapprocher la lenteur des réactions phosphéniques de recherches que nous avons déjà citées dans la deuxième édition de “ L’Exploration du cerveau par les oscillations des phosphènes doubles ”, p. 64, parues dans un article de “ Sciences et Vie ”, de Février 1982 : “ Le désordre n’existe pas ”, de Sven Ortoli, au sujet de la lenteur d’oscillations chimiques en équilibre instable, article que nous ne pouvons ici que résumer brièvement : au contact de deux liquides de viscosité différente, il se forme des rouleaux qui se mettent à osciller, l’un devenant plus grand, l’autre plus petit.
Quand l’étude de la chimie cérébrale des phosphènes sera approfondie plus sérieusement, on fera bien de tenir grandement compte de ces recherches pour comprendre la lenteur des réactions phosphéniques réflexes, à des excitations extérieures, soit au corps, soit simplement au système visuel, comme lors des mouvements de tête.
INFLUENCE DES ROTATIONS SUR LES MOUVEMENTS DU PHOSPHÈNE
Formons un phosphène ; puis étant debout, tournons autour de l’axe du corps, comme le font les derviches tourneurs.
A titre expérimental, nous démarrons brusquement. Tournons pendant une quarantaine de secondes, puis arrêtons un temps égal et ainsi de suite. Le sens de rotation n’a pas d’importance dans les expériences qui suivent : les effets sont les mêmes dans les deux sens.
Nous observons que le phosphène prend du retard au démarrage, d’environ une trentaine de degrés par rapport à l’axe antéro-postérieur de la tête, lequel reste dans le plan médian du corps (la tête reste immobile par rapport au corps mais tourne avec lui). Ce retard du phosphène par rapport au corps atteint son maximum vers la cinquième seconde, puis celui-ci se stabilise pendant une dizaine de secondes. Ensuite, il revient très lentement vers le milieu du champ visuel, comme il était au départ, en une vingtaine de secondes. Ces durées sont des moyennes, mais ces chiffres varient beaucoup suivant les sujets, de cinq secondes à une minute.
Exactement l’inverse se produit à l’arrêt : le phosphène prend de l’avance, continuant son mouvement de rotation pendant cinq secondes, jusqu’à un angle d’environ trente degrés par rapport au milieu du champ visuel, se stabilise quelques secondes, puis revient lentement au milieu du front.
On peut vérifier que, comme pour les bizarreries des mouvements des phosphènes accompagnant les mouvements de tête, les mouvements involontaires des yeux ne sont pour rien dans la production des déplacements des phosphènes accompagnant les rotations de tout le corps mais au contraire, tendent à les compenser : si l’on bloque les yeux, par exemple dans un regard latéral extrême, en durcissant les muscles péri-oculaires, le retard au démarrage est encore plus net, ainsi que l’avance à l’arrêt.
Le blocage du regard a donc exactement le même effet que lors des balancements de tête : accentuer le phénomène et non pas l’atténuer, ce qui prouve que ce ne sont pas les mouvements involontaires et inconscients des yeux qui le provoquent, lorsqu’il n’y a pas blocage de l’œil, mais qu’au contraire, dans l’exercice sans blocage, les mouvements involontaires et inconscients de l’œil tendent à atténuer ce retard du phosphène au départ et cette avance à l’arrêt.
Ces déplacements paraissent également provoqués par les glissements des humeurs visqueuses que nous avons étudiées, en raison de leur inertie au départ et à l’arrêt. Mais de nouveau, il est difficile de préciser la part qui revient à l’humeur vitrée et celle engendrée par le liquide endolymphatique. En effet, il est bien évident que ce dernier prend un recul dans les canaux semi-circulaires, lors du départ, mais l’humeur vitrée également car elle est alors l’objet d’une force qui est une variante de l’accélération de Coriolis : pendant la phase d’accélération, la région de l’humeur vitrée située près de la cornée (donc la plus éloignée de l’axe de rotation du corps) tourne plus rapidement que celle située contre le fond de l’œil qui est plus proche de l’axe de rotation. Au départ, cette région éloignée prend donc un recul plus fort que la région proche de la partie sensible de la rétine, ce qui tend à faire tourner l’humeur vitrée en sens inverse de la rotation. Donc, de nouveau, on peut supposer que le phosphène suivrait le mouvement de l’humeur vitrée sur la rétine.
Lors de l’arrêt, comme elle a tourné plus vite puisqu’elle est plus loin du centre, elle aura plus d’élan, donc prendra de l’avance.
Cette expérience ajoute quelque chose, pourtant, aux précédentes car elle montre que LE PHOSPHÈNE ÉVOLUE DANS LE MÊME SENS QUE L’HUMEUR VITRÉE ANTÉRIEURE (c’est-à-dire en sens contraire de la partie postérieure) et qu’en conséquence, si les mouvements apparents du phosphène sont en rapport avec des déplacements de l’humeur vitrée sur la rétine, CE SONT LES RÉGIONS DE LA RÉTINE, PROCHE DU CRISTALLIN, QUI POSSÈDENT UNE FONCTION SPÉCIALE DE DÉTECTION DES MOUVEMENTS DE GLISSEMENT DE L’HUMEUR VITRÉE car si c’était toute la rétine, les influences de l’humeur vitrée postérieure et antérieure, allant en sens inverse, s’annuleraient à peu près.
On peut aussi se poser la question de savoir si ce n’est pas la face postérieure du cristallin qui aurait ce rôle de détection des mouvements de glissement de l’humeur vitrée, mais cela paraît peu probable, cet organe étant peu innervé. Ce serait plutôt alors l’épithélium péricristallinien postérieur qui est la terminaison antérieure de la rétine.
Comment expliquer que si l’on continue à tourner, en un temps qui est en moyenne d’une demi-minute, le phosphène revienne néanmoins dans l’axe antéro-postérieur de la tête ? A notre avis, ce dernier fait vient conforter l’hypothèse que c’est la sensation de glissement pendant celui-ci, sensation perçue par les corpuscules du tact disséminés dans la rétine qui est interprétée “ de travers ” par le cerveau, pour la bonne raison que nous n’avons pas conscience de notre rétine elle-même. Il en résulte que lorsque l’humeur vitrée est comme “ tordue ” sur elle-même par la rotation du corps mais reste immobilisée, il n’y a plus de glissement et c’est alors que le phosphène paraît revenu à sa place normale.
Naturellement, le même raisonnement s’applique à l’endolymphe de l’oreille interne, mais pour ce qui est de la partie mécanique au moins, à un moindre degré, parce que le rapport du diamètre des canaux semi-circulaires à celui du rayon de rotation de la tête autour de son axe vertical est beaucoup plus faible. Ceci n’empêche pas, évidemment, l’interprétation neurologique d’y être peut-être dominante.
En résumé, l’étude de l’influence des danses de derviches tourneurs sur les phosphènes paraît confirmer le rôle de l’humeur vitrée dans la genèse de leurs mouvements.
Il ne faut pourtant pas que toutes ces questions, au sujet des mouvements des humeurs visqueuses des organes des sens, nous fassent oublier la part qui revient à la compensation réactionnelle du système nerveux, dont nous avons déjà cité dans nos autres livres un des innombrables exemples, à propos de la spirale tournante que l’on fixe et du mouvement de torsion en sens inverse des objets que l’on fixe ensuite. ON PEUT CONSIDÉRER QUE LORSQU’APRÈS AVOIR FIXÉ UN FOND D’UNE CERTAINE TEINTE, ON VOIT APPARAITRE LA COULEUR COMPLÉMENTAIRE, NOUS SOMMES EN PRÉSENCE DU MÊME PHÉNOMÈNE QUE DANS TOUS CES MOUVEMENTS RÉACTIONNELS DU PHOSPHÈNE, ou tout au moins dans les deux cas, d’aspects, en biologie, de la loi d’action et réaction.
Il est à remarquer qu’après l’arrêt des mouvements de la tête et du corps, les mouvements réactionnels des humeurs visqueuses et du système nerveux se font dans le même sens. Pas étonnant donc que leurs effets cumulent, d’où la difficulté de savoir la part de l’influence qui revient à chacun.
Ceci n’est pas vrai pour ce qui survient pendant le mouvement : le phosphène évolue dans le sens de déplacement des humeurs. La force réactionnelle sous-jacente du système nerveux (qui apparaîtrait si on cessait le mouvement) est en sens inverse (expérience des spirales). Elle est trop faible par rapport à celles qui sont directement dues au mouvement, pour devenir apparente.
C’est seulement après le mouvement qu’elle se manifeste. Donc, il semble que pendant le mouvement, l’influence des humeurs visqueuses soit largement prépondérante sur l’influence réactionnelle du système nerveux (Réactionnel = en sens contraire de celui qu’avait le mouvement physique).
LES BALANCEMENTS DU PHOSPHÈNE CONSÉCUTIFS AUX BALANCEMENTS DE LA SOURCE LUMINEUSE
D’autres expériences sont plus curieuses encore : dans certaines circonstances, le phosphène peut présenter un mouvement de balancement, toujours sur le rythme pendulaire de deux secondes, bien que les yeux, la tête et l’ensemble du corps restent tous trois parfaitement immobiles.
Nous ne connaissons pas encore bien toutes les conditions nécessaires. Parfois, cela se produit spontanément. Voici quelques expériences qui permettent d’obtenir presque à coup sûr ce phénomène.
Examinons tout d’abord ceux consécutifs aux balancements de la source.
Avec le matériel nécessaire pour le Mixage pendant l’endormissement, la lampe étant suspendue par un fil d’une trentaine de centimètres, faire balancer la lampe légèrement et la suivre des yeux pendant ce mouvement. Le phosphène consécutif à l’extinction paraît se balancer trois ou quatre fois, même si l’on veille à ce que le regard ne bouge pas, puis le mouvement s’accélère en diminuant d’amplitude et se termine par une vibration.
On peut hésiter sur la cause de ce phénomène : soit une imprégnation du système nerveux par la sensation de mouvement, soit une oscillation de l’humeur vitrée qui continue après le balancement des yeux.
Or, si l’on est assis et que l’on donne de forts mouvements de balancements à la lampe avec un fil assez long, d’environ deux mètres (mouvements évidemment plus lents), en général le phosphène ne se balance pas. Deux facteurs entrent en jeu pour expliquer ces différences de réaction du phosphène : d’une part, la différence de durée du balancement de la lampe suivant la longueur du fil (Le balancier qui donne la seconde pour un aller, et de même le retour, fait 994 millimètres, à Paris ; comme le temps de réaction propre du phosphène est de deux secondes environ, il semble qu’il faille chercher autour du mètre la longueur de fil qui est la plus appropriée à chacun).
Mais le deuxième facteur qui explique la différence entre les deux expériences ci-dessus est la position couchée qui modifie peut-être la réaction propre du phosphène et qui, d’après nos expériences, paraît faciliter son balancement spontané. Il est possible que cette position modifie le temps d’oscillation propre à l’humeur vitrée ou alors, elle agit en augmentant la pression du liquide céphalo-rachidien sur le cortex occipital, zone visuelle du cerveau, comme nous l’avons dit bien des fois.
Au sujet de l’imprégnation du système nerveux par la sensation de mouvement, rappelons aussi, de nouveau, une expérience qui est exposée depuis longtemps au Palais de la Découverte, à Paris : on fixe une spirale qui tourne pendant une trentaine de secondes, puis on regarde la photographie d’un bateau. Pendant quelques instants, on a l’impression que le bateau avance.
Autre exemple de cette imprégnation : si un train passe devant un rideau d’arbres régulièrement disposés et que l’on fixe chaque arbre successivement, après l’arrêt du train, le regard présente pendant quelque temps des mouvements latéraux, il est vrai très rapides et inconscients (nystagmus).
Mais pourtant, nous penchons pour l’explication du mouvement du phosphène, dans l’expérience ci-dessus, par les oscillations de l’humeur vitrée car le mouvement diminue d’amplitude et son rythme s’accélère, comme celui d’une vibration qui meurt, alors que dans les deux expériences d’imprégnation des centres nerveux, le rythme consécutif à l’excitation reste constant. Mais ce sont surtout les deux expériences que nous allons exposer maintenant qui nous amènent à donner plutôt notre préférence à l’hypothèse de l’oscillation de l’humeur vitrée.
LES BALANCEMENTS DU PHOSPHÈNE CONSÉCUTIFS AUX BALANCEMENTS DE TÊTE
Il ne s’agit donc plus maintenant des diverses possibilités de déplacements du phosphène pendant le mouvement de tête mais de mouvements du phosphène consécutifs à l’arrêt des mouvements de tête, ce qui est fort comparable à l’expérience immédiatement ci-dessus.
Deux expériences présentant une certaine ressemblance avec la précédente ont été découvertes par Madame Berthe Varteressian :
1° Etant assis face à la lampe, pendant la fixation, balancer la tête latéralement, très faiblement. L’amplitude du mouvement ne doit pas avoir plus de quelques millimètres ; le rythme est, comme toujours, d’environ deux secondes (une seconde pour aller, une pour revenir). La durée de fixation est d’une trentaine de secondes, comme d’habitude.
Eteindre et arrêter tout mouvement de tête, en veillant à l’immobilité des yeux. Alors, parfois, le phosphène se balance de droite à gauche pendant quelques instants, soit au rythme précédent, soit à un rythme plus rapide et qui a tendance à s’accélérer. Lorsqu’il se balance, il est en général plus lisse et plus grand que normalement ; la nuance de sa couleur est un peu différente.
On veille, bien entendu, pendant cette expérience, à ce que les muscles périoculaires soient bien relâchés, ce qui assure à l’œil une immobilité passive.
2° La même expérience peut être recommencée, toujours après avoir fixé la lampe tout en balançant la tête très légèrement, mais cette fois-ci, en restant dans la pénombre grâce, par exemple, à un radiateur parabolique qui éclaire faiblement la pièce. Garder les yeux ouverts pendant la présence du phosphène, fixer l’angle d’un meuble afin d’être certain que le regard est bien immobile et garder la tête de même.
On voit alors le phosphène se balancer comme une bulle de savon qui se promènerait justement de droite à gauche sur le meuble, et d’autant mieux que le regard reste plus fixe ; ce qu’il est facile de contrôler par l’angle du meuble.
J’ai eu ce phénomène en même temps que Madame Berthe Varteressian. L’amplitude de l’oscillation était très grande : d’un mur latéral à l’autre, c’est-à-dire, dans notre position, de plus de 90°.
S’agit-il d’oscillations de l’humeur vitrée ou du liquide endolymphatique qui continueraient après le mouvement de tête ? Ou d’une imprégnation du système nerveux par la sensation de mouvement dont l’amplitude et le rythme, pour le phosphène, n’auraient aucune mesure avec les réactions du reste du champ visuel ? Ou la véritable explication est-elle un phénomène dont nous n’avons aucune idée ?
Le mouvement est si flagrant, si intense, que nous pencherions pour cette dernière hypothèse, d’autant plus que c’est avec le radiateur parabolique, comme matériel annexe, que nous avons obtenu les plus belles expériences. Les infrarouges y joueraient-ils un rôle ?
Devant l’amplitude de l’oscillation d’un phosphène très brillant et le caractère impressionnant du phénomène, Madame Varteressian et moi-même n’avons quand même pas pu nous défendre contre l’idée qu’il s’agissait d’une induction réciproque.
Nous avons refait cette expérience découverte par Madame Varteressian sur des centaines, peut-être des milliers d’élèves, puisque de temps à autres, en salle, au cours de nos conférences, les descriptions sont accompagnées de démonstrations. Il n’y a qu’environ un tiers des sujets qui obtiennent le balancement du phosphène en pénombre après le balancement de tête, les yeux étant bien immobiles. Chez la plupart de ceux-ci, le balancement est du diamètre du phosphène, de part et d’autre du point de fixation.
Mais j’ai la certitude que parfois ce balancement peut être beaucoup plus ample car lorsque je l’ai eu avec Madame Varteressian, l’oscillation était largement de six fois le diamètre du phosphène.
BALANCEMENT DU PHOSPHÈNE SOUS L'EFFET D'UNE IRRITATION DU CHAMP VISUEL
Replaçons-nous à peu près dans les conditions de l’expérience au cours de laquelle le phosphène se balance devant un meuble dont l’angle sert de point de repère, pour assurer la fixité du regard. Gardons une pénombre juste à la limite de l’indispensable pour discerner ce coin.
L’obscurité sera donc un peu plus profonde que dans les expériences précédentes.
Formons un phosphène, en regardant fixement une lampe immobile (donc sans bouger la tête et les yeux), puis fixons l’angle de la table.
Lorsque le phosphène est bien formé et immobile, un aide allume alternativement, mais sur un rythme irrégulier et assez rapide, deux petits clignotants très pâles (nous avons expérimenté avec des clignotants de couleur bleue). Le rythme de ces deux lumières ne peut donc créer une résonance dans le phosphène, avec son balancement habituel, c’est-à-dire pendulaire de deux secondes, puisque le rythme des clignotants est irrégulier et rapide.
Ensuite, on projettera le phosphène sur les clignotants, de telle sorte qu’ils apparaissent dans son disque vert ou, si le phosphène est encore trop vif pour que l’on puisse distinguer les clignotants au travers, on pourra regarder un peu plus haut que les clignotants, de telle sorte que le phosphène paraisse au-dessus d’eux.
Il arrive parfois, au cours des premières expériences surtout, que le phosphène soit pris d’un balancement de deux secondes, ample, qui semble lent et majestueux auprès du rythme saccadé, irrégulier et rapide des misérables clignotants. Parfois aussi, le phosphène est sujet à des pulsations, c’est-à-dire à des variations de surface sur ce rythme, sans que son centre change de place.
Ceci met en évidence que dans certains cas, l’oscillation de deux secondes est un temps de réponse propre au phosphène, sous l’effet de n’importe quelle excitation.
Le fait que ceci se produise surtout aux premières expériences montre, une fois de plus, que ce genre de mouvement du phosphène constitue une RÉACTION D’ADAPTATION du système nerveux visuel à une situation optique inhabituelle.
On peut comparer cette expérience au fait, par exemple, que les réflexes rotuliens et achilléens (du gros tendon au-dessus du talon) n’ont pas la même rapidité, parce que l’influx nerveux doit parcourir un plus long trajet pour se rendre de la moelle épinière à la cheville que de celle-ci à la rotule. Nous avons vu plus haut bien d’autres expériences qui montrent que les temps de réaction propres aux phosphènes sont très lents. On peut supposer que les humeurs visqueuses (vitrée et endolymphatique), ayant un temps de résonance oscillatoire propre de deux secondes, ont imprégné les centres nerveux contrôlant les déplacements du phosphène, de ce rythme, de telle sorte qu’ensuite, même en l’absence d’une oscillation de ces humeurs, ils répondent en fonction de ce RÉFLEXE AUTO-CONDITIONNÉ.
TREMBLEMENT DES PHOSPHÈNES
Il arrive parfois que lorsque l’on fixe le soleil, on voit son bord qui tremble. Cette vibration peut être reproduite expérimentalement.
Pour cela, plaçons sur nos oreilles l’appareil à audition alternativement droite-gauche (Alternophone), réglé de telle sorte que l’on entende un claquement très fort et très sec. Puis formons un post-phosphène. Commençons avec un espacement des claquements d’environ une seconde du même côté, puis accélérons progressivement. Pour un certain rythme, le phosphène se met à trembler synchroniquement avec le son. Puis dépassons ce rythme, il cesse de trembler.
Il est facile de compter le nombre de claquements par seconde d’un seul côté (en écartant le casque de l’autre côté). On note alors que c’est pour le rythme d’un sixième de seconde que le phosphène tremble.
On peut se demander si ce qui le fait trembler est le rythme du sixième ou du douzième de seconde, puisque l’espace de temps entre le claquement de droite et celui de gauche est du douzième de seconde lorsque le phosphène tremble. La première idée qui vient est de synchroniser les deux claquements, droite et gauche, pour préciser laquelle des deux fréquences fait trembler le phosphène. Mais si les claquements sont synchrones, on ne trouve pas un rythme précis pour lequel il tremble. Seulement, il se brouille en périphérie et non pour un certain rythme, mais sur une bande étendue de fréquence.
Par contre, en écoutant d’une seule oreille, on obtient un tremblement, bien que plus faible que précédemment, pour le sixième de seconde.
Cette expérience est une preuve de plus que les excitations alternatives constituent un précieux moyen d’introduire un rythme dans le cerveau, alors que pour le même rythme en simultané, cet organe lui fait barrage (Cf. “ L’Activation du cerveau par l’audition alternative ”).
De plus, lorsque l’on voit le soleil trembler spontanément, c’est au même rythme que celui du phosphène au cours de l’audition alternativement à droite et à gauche. Ceci prouve que l’introduction d’une très grande énergie lumineuse peut déclencher les rythmes potentiels des phosphènes.
Dans cette expérience, il apparaît de plus qu’une grande énergie simultanée des deux côtés, ici l’énergie lumineuse du soleil, déclenche les mêmes phénomènes (ici le tremblement du co- ou du post-phosphène) qu’une excitation alternativement droite et gauche faible (ici l’audition alternative).
Comme les effets des alternances aux rythmes naturels du cerveau sont toujours très favorables, c’est une raison supplémentaire pour justifier l’utilisation du soleil au cours de nos expériences de Mixage Phosphénique.
LA CHUTE DU PHOSPHÈNE
Parmi les autres mouvements rares du phosphène, notons sa chute sur le sujet qui l’observe, accompagnée d’un sentiment de terreur insurmontable.
Cette chute est parfois observable sur le post-phosphène. On nous l’a rapportée dans un cas de projection du phosphène sur le ciel nocturne, à travers une vitre, et dans quelques autres cas d’éclairage ambiant, faible mais complexe. Il ne s’agit pas d’une variation de l’appréciation de la distance du phosphène consécutive à une variation de son diamètre, car la pulsation du phosphène (c’est-à-dire sa variation de surface sur un rythme de deux secondes) n’est pas accompagnée d’une sensation de chute, ni d’un sentiment de terreur. Au contraire, il paraît pulser à la même place.
Cette sensation de chute du phosphène me paraît facilement explicable : l’énergie lumineuse accumulée dans le phosphène est libérée en direction des zones nerveuses de l’oreille interne en rapport avec le sens de l’espace. Cette direction n’est pas étonnante, en raison des affinités entre l’œil et l’oreille, affinités qui nous ont même amené à établir, nous l’avons vu un peu plus haut, une analogie entre l’humeur vitrée et l’endolymphe. Pas étonnant non plus que cette énergie ne prenne pas toutes les fois cette direction, en raison du caractère particulièrement capricieux des aiguillages neurologiques, bien connu en physiologie.
Ici, il s’agit donc bien d’une variation de la distance du phosphène par rapport à nos sensations cénesthésiques et ce n’est compréhensible qu’en admettant que le phosphène en fasse partie, d’où la sensation de dislocation de la personnalité, entraînant une terreur. Il ne s’agit pas là d’une peur niaise qui ne se répéterait pas à d’autres expériences semblables. Mais chaque expérience phosphénique est liée à un sentiment spécifique : la pulsation est agréable ; l’alternance des phosphènes doubles est calmante ; son balancement en travers du champ visuel, dans la pénombre, est majestueux et certaines expériences phosphéniques, comme celles que nous avons décrites sous le nom “ d’apparition fantomatique ” (chapitre VII, sous-titre A, 1°), sont indissolublement liées à un sentiment de peur, même lorsque l’on en connaît d’avance le résultat et que l’on rit presque simultanément de sa propre peur.
Faut-il voir là un indice de la proximité neurologique des centres affectifs et des centres phosphéniques et un lien entre chaque rythme et chaque sentiment ?
ROTATION DU PHOSPHÈNE ET CINÉMA INTÉRIEUR
A la fin des expériences précédentes au cours desquelles le phosphène continue à se balancer après l’arrêt des sollicitations extérieures, chez certaines personnes, le phosphène, après s’être balancé quelques instants, s’arrête et se met à tourbillonner sur lui-même, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre le plus souvent, puis des visions de type hypnagogique surviennent (c’est-à-dire des visions brèves, très précises, et qui n’ont aucun rapport apparent avec le psychisme du sujet). C’est Madame Berthe Varteressian qui a été la première à faire cette constatation. Il semble que par cette voie, à certaines personnes douées, s’ouvre un véritable cinéma intérieur.
Madame Maricot a observé ceci : étant couchée avec la lampe à phosphène au-dessus d’elle, elle forme un post-phosphène, étant en bonne obscurité, puis elle fait trois ou quatre rotations des yeux, très lentement, en donnant la plus grande amplitude possible à cette rotation ; ensuite, elle laisse le globe au repos. Quelques instants après, le phosphène commence à tourbillonner sur lui-même, assez rapidement, jusqu’à son extinction. Evidemment dans ce cas, il ne peut s’agir que d’imprégnation du système nerveux par la sensation de rotation.
Cette rotation du phosphène paraissant souvent la source d’un flux de visions, il est intéressant de rechercher tous les moyens de la provoquer.
MOUVEMENTS SPONTANÉS DU CO-PHOSPHÈNE
Nous remarquerons que le co-phosphène est très mouvant, même lors de la fixation d’une lampe : souvent, l’auréole bleue présente une certaine alternance entre le côté droit et le gauche ; d’autres fois, elle tournoie.
Expérience mettant en évidence les co-phosphènes solaires :
D’autre part, quelques expériences simples montrent que l’on ne peut fixer le soleil sans avoir des co-phosphènes :
a/ Le liseré :
Lorsque le soleil se lève au-dessus d’un toit avec une cheminée en travers, on perçoit un liseré brillant autour de la cheminée. Ce liseré présente une alternance entre son côté droit et le gauche, de part et d’autre de la cheminée. Cette alternance est tout à fait caractéristique des phosphènes. Par certains éclairages, le soleil présente un cerclage de même couleur que celui autour de la cheminée. C’est donc un liseré de phosphène.
b/ Disparition de la brindille :
D’autre part, si en montagne, dans un ciel très pur, le soleil étant au sommet de sa course, on le fixe quelques instants, puis que l’on élève une brindille horizontalement (une allumette éteinte, par exemple) tout en continuant à le fixer, on voit la brindille avant et après son passage devant le soleil, mais elle cesse d’être aperçue pendant qu’elle traverse le disque solaire.
Or, s’il s’agissait d’un contraste de couleur, on devrait voir un trait noir ou si la cause de cette disparition était la diffraction des rayons solaires sur le bord de la brindille, il y aurait un petit arc-en-ciel à sa place. C’est donc un phosphène qui recouvre l’emplacement de la brindille, la rendant invisible.
Si à ce moment, on regarde une fleur, on ne voit qu’un rond blanc, mais si l’on ferme les yeux, ce rond devient vert, de la première teinte du post-phosphène.
Donc, lorsque l’on fixe le soleil, après un temps variable, très souvent, on croit continuer à le voir, alors qu’en réalité, on ne voit que son co-phosphène ou au moins un mélange des deux.
c/ Confusion entre le soleil et son phosphène :
Par certains éclairages pas exagérément forts, plutôt un peu brumeux, si on fixe le soleil quelques instants, puis que l’on ferme les yeux, on a l’impression que l’on continue encore à voir le soleil pendant deux ou trois secondes au moins. Or, ce n’est pas la persistance rétinienne qui sert pour le cinéma, puisque celle-ci ne dure qu’un seizième à un vingt-quatrième de seconde suivant les sujets.
Il s’agit donc d’un vrai phosphène. Mais ici, le phosphène solaire ressemble tellement au soleil, qu’on les prend l’un pour l’autre.
RÉSUMÉ ET CONCLUSION DES OBSERVATIONS SUR LES MOUVEMENTS DES PHOSPHÈNES.
Nous sommes entrés dans le détail des expériences sur les mouvements des phosphènes, entre autres, pour que les observations que nous avons faites dans ce sens ne risquent pas d’être perdues, mais aussi dans l’espoir de stimuler les recherches à ce sujet.
Néanmoins il faut reconnaître que l’ensemble est fort touffu, de telle sorte qu’il n’est pas inutile de résumer et mieux dégager les lois générales.
CAUSE DES MOUVEMENTS DES PHOSPHÈNES
Le caractère inattendu, au premier abord, des mouvements des phosphènes et leur grande complexité peuvent s’expliquer par la combinaison de plusieurs causes :
1° Le phosphène ne fait pas partie des sensations visuelles mais cénesthésiques, en tant que phénomène de conscience purement interne, c’est-à-dire produit par des réactions chimiques intra-cérébrales qui sont seulement consécutives à une accumulation d’énergie d’origine lumineuse dans le cerveau, telle qu’elle a débordé les zones cérébrales de la perception normale.
Les centres responsables de ces mouvements doivent donc être contigus, dans le système nerveux central, des centres qui nous donnent la notion de la position de notre corps. C’est pourquoi le phosphène est plus facilement soumis aux excitations diffusant par ces centres proches que de ceux de la sphère visuelle, d’où ses liens étonnamment étroits avec les mouvements du corps et l’apparition fréquente d’un défaut de liaison entre le phosphène et le champ visuel.
2° Une des causes de ces mouvements est le temps de résonance propre aux humeurs visqueuses ou au moins à l’une des deux, humeur vitrée de l’œil ou endolymphe de l’oreille interne.
3° Une autre cause de l’étrangeté des mouvements des phosphènes est la lenteur, propre à toutes les réactions phosphéniques.
4° Enfin, il semble que l’imprégnation du système nerveux, par la sensation de mouvement, prolonge parfois l’effet des autres causes.
RYTHMES FONDAMENTAUX DES MOUVEMENTS DES PHOSPHÈNES
Il résulte de cet ensemble que, lorsque les mouvements du phosphène sont réguliers, ils prennent la forme de mouvements dont la vibration de vitesse est pendulaire sur le rythme de deux secondes.
CE RYTHME DE DEUX SECONDES PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME LE TEMPS DE RÉSONANCE FONDAMENTAL PROPRE AU PHOSPHÈNE.
Il en existe un second, celui du tremblement du phosphène qui paraît être du sixième de seconde.
Le rapport avec le fait que la partie du labyrinthe de l’oreille interne, qui nous donne la notion de variation de position par rapport à la verticale, a son maximum de sensibilité pour ce même rythme de deux secondes est évident. D’où l’importance de ce rythme en danse et en musique car certains sons, surtout graves, et rythmes sonores réagissent sur notre organe du sens de l’équilibre parce que c’est le même liquide, sans cloisonnement entre les cavités, qui baigne cet organe et le limaçon, organe de l’audition.
On est aussi obligé de rapprocher ce rythme du fait que c’est l’éclairage alternativement à droite et à gauche de deux secondes (pendant par exemple une minute) qui engendre, dans l’obscurité consécutive, l’alternance des phosphènes doubles, mais il est vrai sur un autre rythme, beaucoup plus lent, de huit secondes en moyenne.
Le plus extraordinaire est que parfois les phosphènes paraissent se balancer en travers du champ visuel resté dans la pénombre, le regard étant fixé sur un objet qui sert de repère. Ainsi, les phosphènes possèdent une certaine AUTONOMIE dans le champ visuel, parfois considérable.